Coups de coeur octobre 2024

Nouvelle rentrée à la bibliothèque de l'UTA, nouveaux titres de livres que nous avons aimés et gourmandise d'écouter celles qui les ont choisis nous parler de ces romans.

            Faty nous a emmenées aux côtés de Marguerite Yourcenar première femme à entrer à l'Académie Française en mars 1981et qui à 77 ans vient de tomber follement amoureuse de Jerry Wilson photographe américain homosexuel de 47 ans son cadet. Christian Bigot raconte cette passion folle et destructrice dans le livre Quelqu'un m'attend ailleurs. La grande écrivaine vient de perdre sa compagne Grace Frick et elle est bouleversée par la beauté de ce jeune homme. Il deviendra son chauffeur, son secrétaire, l'organisateur de ses voyages au bout du monde ; ce bouleversement, cet amour aussi improbable que dangereux va être analysé par elle : l'amour est un châtiment ; nous sommes punis de ne pas savoir pas rester seul.

            Anne-Marie nous présente La jurée, roman de Claire Jehanno, d’origine vannetaise, qui nous entraîne avec son personnage principal, Anna Zeller, sur les bancs du tribunal où elle a été appelée pour être jurée. Ce procès réveille en elle des souvenirs d'un passé vieux de 20 ans, souvenirs d'enfance qu'elle a refoulés, ceux d'une époque dont elle avait reconstruit le déroulement. La maîtrise de l'écriture rend très clairs ces allers et retours dans le temps et permet au lecteur une compréhension facile.

            Avec Dominique nous sommes allées au Liban par le biais de Le roman de Beyrouth d'Alexandre Naijar. C'est en toile de fond une fresque historique qui nous présente les différentes périodes du pays, les régimes qu'il a connus, les protectorats étrangers avant son indépendance le 22 novembre 1943. Sur ces images une famille nous est peinte, ses joies, ses peines et surtout le mariage rocambolesque du grand oncle. Sommé de se marier il avait trouvé une délicieuse Désirée mais, capricieuse, elle refusera de se marier alors que toute la cérémonie est prête. Panique, branle-bas mais une Désirée peut en cacher une autre et c'est une jeune fille du même prénom qu'il conduira à l'autel.

            L'auteur Kazuo Ishiguro est d'origine japonaise mais c'est en Angleterre que se passent Les vestiges du jour dont nous parle Marité. Autrefois majordome dans une grande maison, celle de Lord Darlington, Stevens vient d'avoir des jours de congé et le prêt d'une voiture par les nouveaux acquéreurs du manoir avec laquelle il va partir visiter le pays. Mais le but qu'il ne veut pas s'avouer semble être surtout celui de retrouver Miss Kenton qui fut la gouvernante du château et dont il refusa d'admettre qu'elle lui plaisait. Le mot dignité est le mot-clé de son vocabulaire et de son comportement ; il va le définir comme le fait de ne pas se laisser submerger par ses émotions, de ne pas les montrer, de les contenir pour que l'être professionnel qui l'habite soit celui qui seul peut exister. C'est le monde avec lequel nous a familiarisé la série Downton Abbey !

            Nous restons au Japon avec Ito Ogawa, autrice japonaise passionnée de cuisine et Le goûter du lion dont nous parle Marie-Odile. Dans l'île des Citrons se situe la maison du Lion où la narratrice, jeune femme de 30 ans en phase finale d'un cancer, choisit de venir mourir. Tout est fait pour adoucir la fin de l'existence, pour que l'on se sente à l'intérieur d'un cocon, pour que les lumières tamisées, la nourriture et surtout celle du goûter soient en plus d'être un plaisir de gourmandise, un baume pour le cœur. Il y a  tout ce qui peut apaiser : un chien que l'on  câline, la musique, une bougie, parfois, sur le seuil de la porte pour parler d'une âme qui est partie,         

             Les âmes féroces de Marie Vingtras n'ont pas cette douceur mais Jeanine séduite par la beauté et la force du livre nous les a fait partager. Dans une petite ville des États Unis au nom paisible Mercy où il ne se passe habituellement jamais rien une adolescente, Léo, est découverte un matin, morte, près du fleuve. Comme dans Blizzard son précédent ouvrage l'autrice écrit un roman choral où 4 personnages à travers les 4 saisons d'une année vont nous faire connaître Léo mais surtout eux-mêmes. Nous croiserons tour à tour Lauren sherif qui a la double particularité d'être une femme et, lesbienne, vit avec Janis ; Benjamin, venu d'ailleurs, professeur de langues dans le lycée de la ville où il détonne par son élégance, sa culture et le passé sulfureux qu'on lui prête ; Emmy, qui fit enfant une fugue inexpliquée et fut pendant longtemps la meilleure amie de Léo. Belle et distante elle ressemble si peu aux adolescentes de son âge. ; enfin Seth le père endeuillé de Léo dont la femme, une Italienne pour laquelle il a éprouvé un amour fou, est partie abandonnant son mari et sa fille. L'écriture s'adapte à la fois aux saisons et aux différents narrateurs donnant une intensité particulière au récit.

            Macau clôt la liste en parlant de Madelaine avant l'aube de Sandrine Collette dont la force, la violence et la beauté mortifère l'ont séduite. Quelque part dans une région reculée de France dans une époque indéterminée mais vraisemblablement dans des temps anciens où les paysans sont soumis aux caprices des saisons et du climat bien sûr, où les conditions sont si rudes que la faim et le froid sont omniprésents mais aussi au pouvoir des seigneurs, à leur toute puissance, à leur cruauté. La pauvreté est le lot des habitants des 3 fermes des Montées, de Léon et Eugène, des fils d'Eugène : Germain, Artaut, Mayeul, de leurs épouses Aélis et Ambre qui sont jumelles et si belles qu'il faut les cacher pour que Ambroisie-le-fils du châtelain ne les voie. L'arrivée de Madelaine une fillette sauvage et rebelle va changer le cours de la vie. La construction ainsi que l'écriture, magnifique, donnent au récit une intensité qu'accentuent des  coups de théâtre.

            Une fois de plus la magie des mots a opéré. Nous avons voyagé dans le temps et dans l'espace pour notre plus grand plaisir.