Coups de coeur, coup de griffe

Nous étions curieux de savoir quels seraient les coups de cœur ou de griffe (oui il y en eut un !) en cette rentrée de janvier où nous nous retrouvions avant de déguster la galette des rois qui clôtura de façon gourmande cette première animation de l'année.

            Faty ouvrit la séance avec un roman au titre long et romanesque Il ne rêvait plus que de paysages et de lions au bord de la mer écrit par Gérard de Cortanze qui nous raconte les derniers jours d'Ernest Hemingway. Que reste-t-il d'une vie à la fin de la vie ? Une nuit d'été en Italie, quelques notes de musique, un sourire échangé, une page d'un livre, un poème.. Dans sa maison  américaine de Ketchum, déprimé, fatigué, il n'arrive plus à écrire, ne supporte plus sa dernière épouse Mary Welsh pourtant admirable et rêve de revoir Cuba   C'est un bel ouvrage biographique qui nous raconte les derniers jours de la vie du grand écrivain.

            Chantal choisit le premier tome de la trilogie Les années glorieuses de Pierre Lemaître Le grand monde pour nous emmener à Beyrouth, à Paris et à Saïgon sur les traces de la famille Pelletier. Le père Louis est un entrepreneur talentueux  à la tête d'une savonnerie. Ses 4 enfants Jean, dit Bouboule, François, Étienne et Hélène aux professions et caractères différents vont entraîner le lecteur dans divers coins du monde  ; à travers ces personnages, sur un fond de vérité historique des années d'après guerre, nous rencontrerons la fin du mandat français au Liban, la guerre d'Indochine, l'affaire des piastres, les années de pénurie parisiennes.

            Anne Marie nous a emmenés dans le désert du Nevada dans les années 50 au sein d'une base militaire chargée d'étudier la bombe atomique. Zoé Brisby choisit ce lieu comme décor de son roman Les mauvaises épouses Dans les réceptions que donnent les épouses des militaire la hiérarchie existe aussi et chacune se doit d'être exemplaire. Les apparences sont importantes et régissent cette petite communauté jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle  voisine Charlie qui va les faire voler en éclats. Le couple parfait que fait Summer avec son mari qui est le chef scientifique de la base, les apéritifs atomiques qu'elle organise pour chaque explosion vont sembler bien dérisoires.

            Marie Odile a choisi Marc Lévy et son roman La librairie des livres interdits, son sous-sol mystérieux où se réunissent pour des ateliers de lecture des personnes qui semblent se connaître mais entrent par des portes que l'on ne voit pas. Certains livres eux aussi semblent animés d'une vie étrange et changent de place sur les étagères tandis que le libraire est arrêté pour avoir enfreint la loi puis après 5 années de prison réapparaît sans que personne ne pose de questions. C'est une comédie brillante qui donne le goût de lire et d'aimer qu'a signée l'auteur.

            Dominique nous présente un premier roman Malgré les vagues écrit par Mathilde Gall. C'est l'histoire d'une famille qui vit en Bretagne, celle que forment Jo et Alma, leurs 3 enfants et leurs petits enfants. Des chapitres différents formant une construction en puzzle sont consacrés chacun à un événement correspondant à un enfant et montre le trouble, la douleur qui l’accompagne. Les premières pages sont celles du deuil de Jeanne.

            Maguy s'est laissée séduire par le nouveau roman de Jean Echenoz, Bristol dont les premières pages parlent d'un homme qui s'écrase sur le trottoir mais cela laisse indifférent Bristol qui, pressé, impassible et distant ne s'arrête pas obsédé par le tournage de son prochain film. L'humour, la légèreté feinte, les observations du narrateur décalées ou insolites sont un véritable plaisir. La construction du roman emprunte beaucoup au cinéma, à ses travelling, à ses montages et la critique élogieuse parle de d'un grand art, d'un grand Echenoz.

            Macau nous a parlé d'Houris, écrit par Kamel Daoud et qui a été couronné par le prix Goncourt en novembre 2024. La narratrice Aube, est une des victimes de la décennie noire des années 82 à 90 en Algérie pendant lesquelles se sont affrontés les militaires de l'armée nationale  et

des groupes islamistes, rebelles et armés et dont on dit qu'elle a fait 200 000 morts. Mais il est interdit de raconter ou de parler de l'histoire de cette guerre civile que le loi de la Réconciliation votée en 2005 a rendu invisible. Aube va enfreindre cette loi et, dans sa voix intérieure, raconter à l'enfant qu'elle porte en elle sa longue cicatrice au cou, ses cordes vocales détruites et la douleur qu'elle ne peut oublier. Les faits sont terribles mais la langue est magnifique et la construction qui fait de ce roman une immense psalmodie parfois poétique le rendent difficile à oublier 

            Après tous ces coups de cœur nous avons eu notre coup de griffes de la séance ! C'est Jeanine qui a exprimé son agacement devant le dernier livre de Marie Sizun, autrice pourtant que nous aimions bien. Mais il faut parler à l'imparfait devant 10 Villa Gagliardini qui reprend parfois avec les mêmes mots, les mêmes phrases et les mêmes situations celles des romans précédents La Femme de l'Allemand et Le père de la petite. Lorsqu'on n'a plus d'inspiration Madame Sizun on n'écrit plus !

            En jouant les gourmands face à nos parts de galette et en élisant nos deux reines nous avons parlé encore des livres présentés lors de cette réunion et de tous ceux que le temps qui nous était imparti laissait dans l'oubli.